Après un premier opus qui a fait la surprise générale, que ce soit au niveau du succès de son financement collaboratif, ou que ce soit par le grand retour d’un jeu de rôle en tour par tour en vue isométrique totalement « open world », le studio belge Larian a remis le couvert lors d’une seconde campagne collaborative Kickstarter.
Avec le succès du premier opus, le problème de financement ne se posait plus, mais c’est par choix délibéré que Swen Vincke a opté pour ce mode de fonctionnement pour profiter des retours des joueurs pendant la longue période d’accès anticipé.
Fort d’un financement obtenu de manière fulgurante et d’objectifs dépassés en quelques heures, le studio a pu prendre son temps et mûrir en profondeur sa formule de jeu afin de se rapprocher, tant que possible de la perfection.
Si le premier titre était excellent en raison de son gameplay plutôt innovant, les interactions entre les différents éléments, ce dernier pêchait parfois par une interface un peu archaïque, et surtout une écriture en dents de scie, souvent qualifiée de peu inspirée.
Disons-le tout de suite, l’interface n’a que peu évolué. Certaines petites améliorations sont à noter (plus besoin de fermer individuellement 5 caisses ouvertes), mais la gestion de l’inventaire reste toujours aussi bordélique et nécessitant le rangement méthodique dans des sacs. Quel bonheur cela aurait été s’il y avait eu par exemple le moyen de mettre toutes les clés sur un anneau de clé, plutôt que de devoir les ranger individuellement. Heureusement, nombre de sacs et de sacoches permettront le tri méthodique dans l’inventaire pour les plus maniaques d’entre les joueurs.
Outre ce petit souci d’ergonomie, ce second opus a bénéficié de nombre d’améliorations, que ce soit au niveau visuel, où les décors variés se succèdent, parfois somptueux, allant jusqu’à mettre une petite claque visuelle tant les ambiances sont bien retranscrites. On appréciera aussi tout particulièrement les environnements traversés, et la possibilité de pouvoir maintenant faire tourner la caméra qui était fixe dans le premier opus, rappelons-le.
Au niveau du scénario, le jeu se déroule très longtemps après Divinity Original Sin premier du nom et change totalement la donne quant aux principaux protagonistes. Ici plus question de jouer deux personnages dont les relations seront parfois réglées via un mini jeu pierre/papier/ciseau, mais ce sera une équipe de 4 qu’il faudra gérer : le joueur et ses trois compagnons. Pour ce second opus, le mot d’ordre du studio a été « liberté ». Liberté de créer son personnage « ex nihilo » en choisissant sa race, son sexe, sa profession et chacune de ses compétence, ou encore de choisir une des « origines », c’est à dire un des personnages au passé prédéfini, avec nombre d’implications sur les dialogues et le scénario ainsi que sur les relations qu’il pourra avoir avec les personnes rencontrées dans le jeu. A noter que le personnage prédéfini sera également totalement personnalisable avec la profession et les compétences que le joueur souhaitera avoir.
Liberté aussi dès le début du jeu, lors du recrutement de ses compagnons d’accepter la profession envisagée par les développeurs, mais aussi de sélectionner toute autre profession afin de compléter son équipe.
Liberté enfin dans la progression de son personnage, aucune compétence n’étant interdite ni limitée par la classe initiale choisie.
Au niveau de l’exploration et du gameplay, Divinity Original Sin 2 représente, pour le meilleur et pour le pire, la quintessence du vrai jeu de rôle. Le joueur incarne son personnage, gère ses compagnons, peut à peu près tout ramasser dans le jeu, agir comme bon lui semble et trouver des méthodes totalement exotiques pour arriver à ses fins. Tout les personnages rencontrés dans le jeu peuvent être tués, volés, sans pour autant altérer la possibilité d’aller jusqu’au bout du titre. Nombre de possibilités découlent de l’imagination du joueur, et la gestion de l’esprit tordu de celui-ci a été un tour de force pour Larian Studios.
Les combats non plus ne sont pas en reste. Quelque peu différents du premier opus, ils reprennent les grands principes du tour par tour, avec la gestion des effets des éléments et de leurs mélanges (eau, feu, poison, …), mais gère maintenant aussi la gestion de l’élévation pour les archers, et la gestion de l’armure pour les effets des attaques physiques ou magiques. On notera d’ailleurs que les dégâts d’attaques se diviseront en effet magiques ou physiques, et que les effets secondaires (hémorragie, enflammé, …) n’agiront que si le score d’armure correspondant à ce type d’effet a été réduit suffisamment avant pour blesser le protagoniste. Autrement dit, aucun des précieux effets d’immobilisation ou autres que de dégâts ne pourront être appliqués au début.
De ce fait, les combats ont évolué par rapport au premier opus, mais restent plutôt déroutants par rapport aux tactiques développées dans d’autres jeux de rôles. Ici, la progression des personnages n’aura plus une importance vitale, ce sera surtout en fonction des effets de l’équipement que la différence se fera, le but étant de maximiser la défense physique des combattants au corps à corps, et de maximiser la défense magique des personnages distants. Les tactiques de combats se feront surtout en utilisant le score le moins élevé de protection magique/physique afin de réussir à l’emporter. On notera que ce système, outre l’absence d’amélioration du nombre de points de déplacement, aura pour résultat de ne pas donner de véritable sensation d’amélioration ou de progression de vos personnages, mais plutôt d’offrir des options de plus en plus diversifiées pour arriver à vos fins à fur et à mesure de l’avancement. C’est à la fois frustrant, très difficile, mais aussi gratifiant lorsque l’on trouve des combinaisons « gagnantes » contre des adversaires généralement nombreux et puissants. On notera toutefois que la difficulté au début est particulièrement élevée, et que le système de combat nécessite le placement minutieux de vos personnages, ainsi que d’utiliser les compétences adéquates contre chacun des ennemis rencontrés. Examiner l’ennemi en combat n’est plus un simple bonus permettant de remporter la victoire, mais plus une nécessité absolue pour avoir l’espoir de vaincre. Le système est exigeant et pointu au point de devoir souvent noter les endroits d’apparition des ennemis afin de recharger la partie et de positionner ses alliés avant de déclencher la rencontre. De mon côté, je ne compte plus mes recharges de sauvegardes, et pourtant je suis loin d’être novice en RPG tactiques…
C’est au niveau du scénario que j’avais les plus grosses craintes. Si les mécanismes de jeu du premier opus m’avaient enchanté, j’étais loin d’être emballé par le monde et encore moins par l’histoire dépeinte dans le premier. Disons-le tout de suite, Larian s’est fort heureusement amélioré sur ce point. L’écriture globale s’est grandement améliorée, les dialogues sont plus intéressants et le studio s’est plus ou moins débarrassé des quelques traits d’humour les plus lourds. Divinity Original Sin 2 est un peu plus sérieux, c’est une bonne chose, mais quelques passages humoristiques bien sentis demeurent et sont intégrés de manière intelligente dans des quêtes, sans pour autant sortir le joueur à tout bout de champs du scénario principal par un saupoudrage de gags trop lourdingues. Pour les joueurs dont le personnage sait parler aux animaux, on retiendra une quête relative à un poussin possédé par un démon, qui sera d’anthologie…
Si les nombreuses quêtes secondaires sont riches et bien écrites, je conserve encore quelques réserves sur le scénario principal. Une fois de plus, le studio s’est évertué à proposer un scénario une fois encore compatible avec une liberté totale au joueur, quelque peu déconnectée du monde dans lequel se déroule le jeu et cela s’en ressent. Si celui-ci permet d’aborder le monde et ses habitants sous tous les angles, soit en les aidant, soit même en se liguant pour les uns au détriment des autres, ou même encore en éliminant tout être vivant de ce monde, ce dernier est de ce fait totalement déconnecté et fait irrémédiablement faillir toute implication du joueur dans ce qui se passe dans le monde. Au fond, quel importance a la vie du quidam face au joueur destiné à un avenir quasi-divin (vu le titre du jeu, je n’ai pas spoilé grand chose). Quelque part, on se fiche de l’intérêt des habitants, de leurs problèmes, notre histoire et nos objectifs étant totalement étrangers à ce monde, on a tendance à s’en détacher totalement et c’est dommage.
Pour le reste, le studio est resté égal à lui même, et Divinity Original Sin 2 propose un système de progression de personnages éprouvé, avec des statistiques influençant directement l’efficacité des compétences, des talents spécifiques à recevoir à certains niveaux, et des livres à acheter pour avoir accès à de nouvelles compétences. D’un autre côté, les possibilités d’artisanat exotiques et variées, la création de nombreuses recettes de cuisine (pâte à pain + tomate à écraser + four = pizza), mais curieusement un nombre certain de recettes ou d’artisanat adoptés dans le premier opus ne fonctionnent plus. C’est quelque peu déroutant et un peu dommage pour qui s’est donné le mal de s’y plonger à l’époque.
Divinity Original Sin 2 propose donc ici une expérience bac à sable de haute volée, et est à mon sens, le titre se rapprochant le plus de l’expérience que peut offrir un vrai jeu de rôle papier, par la liberté qu’il offre. D’un autre côté, la liberté que souhaitait le studio a été quelque part un frein à faire du scénario principal quelque chose de vraiment mémorable, élément indispensable pour rendre l’expérience vraiment inoubliable.
Le moteur du jeu et surtout ses mécanismes sont d’excellente facture en font toutefois un des tous meilleurs titres qui m’ait été donné de voir en jeu à monde ouvert, et cette impression ne pourra être que confirmée par les modules qui ne manqueront pas de sortir.
En effet, le studio a proposé avec le jeu, un vrai moteur de création de contenu extrêmement efficace, permettant de mettre en place de manière très détaillés des histoires, des dialogues et des personnages et de faire jouer des scénarios complets (dans des décors préétablis, certes, mais nombreux), aux joueurs qui souhaitent s’y mettre. Si la possibilité de créer des décors « ex nihilo » ne semble pas être au programme dans le mode « dungeon master », le studio a toutefois mis à disposition une multitude de décors divers, allant du marécage au cachots humides, en passant par tous les lieux nécessaires à la création d’une aventure complète.
Divinity Original Sin 2, est donc un titre à conseiller à tout adepte du jeu de rôle, mais aussi à tous ceux qui veulent essayer de tenter l’expérience d’un RPG « pur souche », avec tout ce que ça implique.
Le jeu est à la fois très exigeant, parfois trop, et les solutions aux quêtes ou énigmes seront loin d’être évidentes, pour peu que le joueur n’ai pas trouvé l’information dans la multitudes de dialogues ou de livres, ou l’objet nécessaire pour parvenir à ses fins de manière conventionnelle. Fort heureusement, le titre permet toutes les solutions les plus tordues que pourra imaginer le joueur, de manière à ne jamais être totalement bloqué. La plupart des joueurs devraient s’y retrouver et profiter de ses qualités, mais la difficulté d’accès global restera sans aucun doute un frein pour certains, lesquels risqueront fort de se décourager avant d’en voir le bout.
Quoiqu’il en soit, Divinity Original Sin 2 est la preuve incontestable qu’il reste possible de proposer une expérience de RPG que certains qualifieraient de « old school » tout en modernisant le genre et en peaufinant la recette à l’extrême. Il a prouvé également qu’il existe un vrai public pour ce type de jeu, et que de développer un titre focalisé à satisfaire un public spécifique assure un retour sur investissement et un succès incontesté.
Qu’attendent les autres studios ?