A cette fin, 38 Studio et Big Huge Games n’a pas lésiné sur le beau monde. Ken Rolston (designer en chef de Morrowind), R.A. Salvatore (auteur de nouvelles dans les Forgotten Realms) pour le monde et sa mythologie, et Todd Mc Farlane (auteur du comics Spawn) pour le design. A cela il faut rajouter en chef de projet, l’ami Ian « Tiberius » Frazier, à l’origine de l’excellent mod Ultima V Lazarus pour Dungeon Siege.
La première chose qui marque dès le début du jeu, est l’aspect « comics » très coloré des visuels. On est clairement dans un style graphique différend de la plupart des productions actuelles du marché. Les personnages sont assez caricaturaux, et on est loin du style réaliste, parfois un peu gris de Skyrim ou de la série The Witcher. Les décors quant à eux sont assez diversifiés, et le joueur sera amené à traverser de nombreuses régions, toutes différentes, produisant une ambiance propre à chaque région traversée. Quoiqu’il en soit, le style graphique ne laissera pas indifférent, on aime ou on fait la grimace. Avoir quelque chose de plus coloré parfois enfantin, faisant appel à du bloom peut être apprécié, …ou moins, lorsqu’il s’agit d’être bridé par du cliping trop présent ou par des visages caricaturaux, à peine animés. On déplorera aussi des mouvements de caméra parfois erratiques, nuisant à l’ensemble du jeu, et une interface indigne du duo clavier/souris.
Au niveau du développement du personnage, de l’équilibrage du jeu et de la richesse du monde, on sent que le jeu est soigné, avec une originalité, la notion de destinée. Amalur est un royaume où tout son peuple croit en la destinée. En tant que combattant ressuscité, vous êtes libéré de votre destin, et pouvez embrasser la voie qui vous convient, ce qui explique la gestion du personnage et le système ouvert de progression ouvert du jeu.
Au début, le joueur n’aura qu’à choisir la race de son personnage, son nom, son apparence, et sa divinité (donnant des bonus divers), ce sera après, lors de la montée en puissance de son personnage, qu’il effectuera ses choix dans l’un des trois arbres de compétences (puissance, finesse ou sorcellerie). Ce seront les points dépensés dans ces arbres qui détermineront la voie qu’il suivra. Le joueur pourra ainsi se spécialiser et dépenser beaucoup de points dans l’une de ces voies, mais aussi répartir ses points dans les différentes voies, débloquant ainsi des carrières différentes, plus transversales, chacune avec leurs bonus et capacités qui leur est propre. On notera la possibilité de remettre à zéro ses choix, comme dans les jeux de rôles en ligne, le joueur ne se retrouvera ainsi jamais coincé par les compétences choisies.
Parallèlement à ces arbres de compétences martiales, les auteurs ont eu la bonne idée d’implémenter des compétences secondaires très utiles, mais totalement indépendantes de l’arbre de progression principal destiné aux combats. Autrement dit, à aucun moment le choix d’une de ces compétences ne sacrifiera de la puissance brute du personnage. Fort heureusement d’ailleurs, puisque le gameplay est clairement orienté action.
De l’action, le joueur en aura, avec des multitudes de combats et un système clairement annoncé comme mettant les réflexes à contribution. On est loin des systèmes en tour par tour, mais l’éditeur a eu le mérite d’être clair dans ses annonces sur le style de jeu. On est dans le cadre d’un jeu d’action-rôle et dans ce domaine le jeu atteint son objectif et les combats sont très bien faits. Pas de martelage frénétique de souris, il faut utiliser au bon moment l’attaque appropriée, on peut varier le tout avec les sorts, éviter les coups par des parades ou des roulades. Les combats seront spécifiques aux compétences et aux armes utilisées : Le guerrier muni d’une masse d’arme puissante aura des attaques lentes, l’Arcaniste pourra se téléporter subrepticement derrière ses ennemis et utilisera des attaques furtives rapides avec ses dagues, … Bref, les combats sont dynamiques et intéressants, à condition bien entendu d’apprécier une jouabilité proche de beat’hem all.
Au niveau du monde et du scénario, Les Royaumes d’Amalur : Reckoning souffle un peu le chaud et le froid. Le casting impressionnant de l’équipe de développement laissait présager de quelque chose d’exceptionnel, et au final, que ce soit au niveau des graphismes ou du scénario ça reste très (trop) classique. Si le monde et les races sont différents des elfes et autres gnomes par le nom, ils restent très similaire à ceux-ci par leur aspect ou par leur réactions. On se retrouve avec un monde assez générique sans grande originalité. Par ailleurs, au niveau du scénario, vous incarnez un ressuscité des mort, sans destiné, dans un monde où l’ensemble de la vie des habitants est géré par la destinée.
Vous y incarnez un héro amnésique dont la destinée -ou plutôt son absence de destiné- doit sauver le monde… Je ne rentrerai pas dans le détail, mais le scénario principal au départ insipide devient meilleur par la suite au fur et à mesure de l’avancée dans le jeu, notamment après la 1ère ville, en ayant une 20aine d’heures de jeu au compteur. A noter que ce fil conducteur restera quelque part noyé dans un océan de quêtes secondaires. Celles-ci sont légion, mais malheureusement assez insipides la plupart du temps, et surtout d’un aspect un peu naïf, enfantin. Quelque part, la tentation est grande de passer directement à la fin pour obtenir la quête à accomplir pour nombre de quêtes secondaires. Je ne pourrai que conseiller au joueur de se focaliser plutôt sur la quête principale, pour éviter de trop se perdre dans ces quêtes secondaires la plupart du temps sans grand intérêt. Amalur aurait nettement gagné à être plus court, plus dense, et de ce fait plus intéressant, la quête principale se suffisant à elle-même.
En résumé, c’est surtout au niveau de l’immersion qu’Amalur pêche. Son monde est vaste, ses quêtes nombreuses, le scénario principal intéressant, mais quelque part, le style graphique employé, les quêtes un peu niaises, l’absence de réalisme du jeu, le sentiment de linéarité sous jacent où chaque zone est accessible via un chemin déterminé, voire dans un ordre précis, empêche de vraiment se prendre au jeu et de se prendre la claque qu’on aurait souhaité se prendre.
Pour conclure, il faut avouer qu’écrire le test d’un jeu comme Les Royaumes d’Amalur : Reckoning n’est pas une chose aisée.
Avec ce titre, Big Huge Games et 38 Studio ont eu clairement l’ambition de jeter un pont entre les joueurs de jeux de Beat’hem all, et à ce titre il est exceptionnel. Pour les adeptes du genre, ce jeu offre à la fois des combats équilibrés, bien réalisés, et un scénario directeur correct, mais surtout une progression du personnage vraiment intéressante.
Par contre, pour le rôliste attaché à l’originalité du monde et de son scénario, à l’immersion et à l’implication émotionnelle, il n’y trouvera pas son compte. En effet, l’aspect générique du monde, l’immensité du jeu et la dilution du scénario principal par les quêtes annexes empêche ce titre d’atteindre les sommets qu’il aurait pu avoir chez les adeptes du genre.
En définitive un jeu à conseiller à la condition de bien savoir à quel public il s’adresse et surtout à quoi s’attendre. Loin d’être un jeu de rôle réaliste au monde ouvert et au scénario dense, Les Royaumes d’Amalur : Reckoning est plutôt un mélange beat’hem all – RPG bien équilibré et bien trempé, ayant le mérite de proposer un véritable scénario et un développement du personnage intéressant, lesquels sont au service du système de combat (au demeurant de très bonne facture), et non pas l’inverse.
Les Royaumes d’Amalur Reckoning / 38 Studio / Big Huge Games / Electronic Arts / 2012