Depuis, entre le départ de Richard Garriott, les projets avortés, comme Ultima Worlds Online: ORIGIN alias Ultima Online 2, ou encore Ultima X : Odyssey, plus personne ne semblait vouloir croire à un retour de la licence.
Pourtant, à l’époque où EA Mythic est entré brièvement dans le giron de Bioware, Ultima Forever a été le fruit improbable de la passion d’une tête pensante de Bioware pour Ultima IV et de l’intérêt d’un autre pour les jeux en ligne. Il devait être tout d’abord un jeu en ligne facebook dans un navigateur, puis après avoir frisé l’annulation deux fois, s’est retrouvé soutenu par la division mobile d’EA. Curieusement, celui-ci est passé au travers des mailles du filet des règles d’EA mobile. Avec un développement d’une durée de 3 années, un logiciel client énorme pour du jeu dédié au marché des mobiles, globalement trop connecté (aucun contenu offline), des donjons énormes et des tonnes de texte à traduire, celui-ci est un OVNI vidéoludique dans le monde des jeux mobiles.
Alors trêve d’historique, que vaut Ultima Forever ?
Tout d’abord soyons clairs, on est loin du jeu de rôle traditionnel dont il s’est inspiré, Ultima IV. Il s’agit plus d’un jeu de rôle collaboratif en vue de haut (2.5D), à la jouabilité proche de Diablo. Pourtant, le monde de Britannia y est reproduit de manière assez fidèle et des pans entiers du jeu découlent des principes propres à la série de Lord British. A noter d’ailleurs que ce dernier a relevé le travail accompli par Bioware.
Au départ, le joueur a le choix entre 2 classes de personnages : guerrier ou mage (d’autres classes devraient apparaître plus tard). La création du personnage permet de répondre aux questions traditionnelles de la gitane évaluant où se situe le joueur au niveau des huit vertus propres à chaque personnage du monde (humilité, valeur, sacrifice, honneur, …). Par la suite, le jeu se situera à deux niveaux : d’une part l’exploration du monde de Britannia sur une carte globale montrant les villes et points d’intérêt, et d’autre part à l’échelle des villes ou des donjons. Ce sera sur cette dernière échelle que le joueur effectuera les quêtes ou l’exploration des donjons. On apprécie avant tout l’aspect dialogue qui n’est pas un simple prétexte, mais qui a du sens dans le jeu et dans les missions du joueur. Si on regrette grandement la décision d’afficher l’influence sur l’une ou l’autre vertu en fonction des réponses données, on apprécie par contre la possibilité de creuser l’histoire du monde par certains dialogues, et également de pouvoir résoudre certaines quêtes que par des discussions.
La plus grande partie du jeu se fera par l’exploration de donjons et par les combats contre les créatures les peuplant. Ici, le coté tactique se réduit un peu à la portion congrue. On clique sur les ennemis jusqu’à les détruire, en utilisant parfois la (ou les compétences) spéciales de votre personnage. Il faudra noter la possibilité de déblocage de compétences supplémentaires liées non pas à la progression de votre personnage mais à l’utilisation de pièces d’or accessibles principalement en passant à la caisse. Je parlerai du coté « free to play » plus tard, mais il faut ici retenir que le système de combat ne fera pas la force de ce jeu. Au niveau de l’exploration des donjons, on notera également qu’il existe un certain aspect « énigmes » avec des colonnes à pousser, des plaques de pressions à activer dans un certain ordre fort appréciable. Ces puzzles, devenus trop rares dans les jeux de rôles contemporains font un retour très bienvenu et parvient à surprendre. C’est un peu dommage que cet aspect du jeu ne soit pas plus développé…
Concernant le point du free-to-play, c’est ici que nombre de personnes attendaient Ultima Forever au tournant. Le free-to-play étant la malédiction du jeu vidéo, on pouvait craindre le pire… Les premiers retours étaient catastrophiques à ce niveau là, notamment dans la première semaine du jeu sur iPad limité au marché Canadien. Le free-to-play devenait du… pay-to-survive…
L’argent en monnaie sonnante et trébuchante intervient en fait pour acheter des pièces d’or, alors que les pièces d’argent ou de cuivre se trouvent sans problème en jeu. L’impact de ces pièces d’or se situe à plusieurs niveaux du jeu :
– pour générer des meilleurs butins dans les coffres que l’on ouvre,
– pour débloquer des cases d’inventaires,
– pour débloquer l’utilisation de plus d’une compétence de combat à la fois
– pour réparer votre équipement.
Si le joueur peut se passer allègrement d’ouvrir des coffres avec des pièces d’or et que l’utilisation d’un inventaire réduit n’est pas trop gênant, le bridage à une seule compétence enlève pas mal d’intérêt au jeu. S’il faut débourser quelques euros, ce sera vraiment sur ce point-là.
Plus problématique est la réparation des éléments d’inventaire. En effet, au fur et à mesure de la progression dans les donjons vous constaterez que votre équipement s’abîmera (parfois sans aucun rapport avec les coups reçus). Dans Ultima Forever, aucun forgeron ne répare votre équipement. Ce sera à vous d’utiliser des pièces à cette fin ou d’attendre de trouver d’autres pièces d’équipement pour le remplacer. C’est là que se situe le délicat équilibre entre un free-to-play jouable agréablement sans trop bourse délier ou un gouffre financier gâchant tout le plaisir. A ses débuts le jeu était largement trop gourmand en ressources et ne permettait pas de jouer dans de bonnes conditions sans budget conséquent. Depuis, avec sa sortie européenne cet équilibrage semble avoir été rétabli, et s’il est conseillé de mettre la main au portefeuille une fois pour jouer de manière approfondie, l’accès au free-to-play se suffit à lui-même à condition de rester raisonnable et de ne pas céder à la tentation de l’ouverture de coffres avec des clés d’or.
Alors que dire en définitive d’Ultima Forever ? Il ne s’agit en aucun cas d’un Ultima traditionnel ou d’un vrai RPG en tant que tel mais un jeu dédié au marché du mobile, en free-to-play, avec tout ce que cela comporte. Pourtant le joueur d’Ultima retrouve une multitude de points qui se réfèrent au monde créé par Richard Garriott. On sent que les auteurs ont essayé de rester fidèles à l’univers et à leurs personnages, tout en conservant certains éléments de gameplay propres à la série. Il est surprenant de voir des missions qui peuvent se régler en discutant avec divers protagonistes, en examinant tel ou tel objet… Il s’agit visiblement d’un jeu créé par des passionnés dont le souhait était de reproduire sur un jeu mobile certaines des sensations propres à la série.
Bref, un jeu mobile, certes, mais totalement atypique, avec ses innombrables décors dessinés à la main, son gameplay à la fois primaire pour les combats et élaboré pour tout ce qui est de la richesse de son monde et des dialogues…
En conclusion un incontournable du jeu mobile à tendance RPG, une sorte d’hybride qui a des velléités d’être un vrai RPG Ultima, mais sans le réussir vraiment en raison du public visé, de la plateforme, et surtout du modèle économique choisi !
Ultima Forever / EA Mobile / 2013