Blackguards

Ah l’Oeil Noir! Depuis le suicide sordide de D&D, l’univers est devenu par la force des choses LA grosse licence de RPG fantasy adaptée d’un pen and paper. Pourtant, l’œil noir ne brille ni par son originalité, ni par la profondeur de son background finalement classique. La promesse –légèrement survendue- de l’équipe de Daedalic Entertainment de livrer un jeu de rôle tour par tour iconoclaste était-elle vaine ? Nous tenterons d’y répondre dans ce test.

Blackguards

La direction artistique est honorable quoique très « point and click »

L’histoire commence en prison où le héros s’évade de son incarcération pour le meurtre supposé d’une princesse. Désormais fugitif, le voilà donc flanqué d’un nain paranoïaque et d’un mage moustachu à la morale fragile (oui, je sais, on dirait le synopsis du film O’Brother). Si les protagonistes de cette épopée sont donc bel et bien des fugitifs à l’opposé des héros au sourire étincelant ils connaitront au final, en 5 actes, les mêmes péripéties que les héros classiques de JDR : voyage-enquête-dénouement-d’un-complot-maléfique-trahison-sauvetage-du-monde.

Du classique. Au point qu’on en vient à oublier un peu de quoi il s’agit sans trop chercher à le savoir. Car vous ne vous demanderez jamais où aller ni quoi faire d’un point de vu narratif. C’est bien simple, le joueur de Blackguards ne joue pas vraiment un rôle et ses choix sont limités.

Blackguards

Difficile de se perdre dans Blackguards. En général, ça se passe tout droit, avec un virage à l’occasion

En effet le défaut du soft le plus flagrant et profondément rédhibitoire -en ces heures d’univers plus ou moins ouverts et libres- est sa totale linéarité. Presque une simulation de voies ferrées : On y avance, littéralement, sur des rails. Pas question de musarder dans les hameaux, villes et autres villages pour y chercher des quêtes car vous n’aurez droit qu’à une fort jolie saynète pittoresque figée où les interlocuteurs possibles se résumeront à quelques commerçants, entraineurs et passants.

Idem pour la création de personnage (un seul) qui vous proposera à la base un humain et 3 classes : guerrier, mage, archer. Et guère plus de chance au niveau des dialogues très « livre interactif » même si il est possible d’augmenter son charisme et ceux de ses compagnons pour ouvrir des choix discursifs.

À ce titre, les interactions sont plutôt destinées à un publique adulte et elles font preuve d’un certain panache humoristique dans leur écriture. Les quêtes sont aussi parfois à l’avenant : on vous demandera de préparer une potion pour faire redescendre une elfe toxicomane de son trip aux champignons ou de combattre des gladiateurs en slip dans un sauna ! Encore une fois du classique mais avec une touche mature (mais sans nudité façon the Witcher).

Blackguards

Une bonne grosse feuille de personnage qui plaira à ceux qui comme moi aiment bidouiller sous le capot

Techniquement, la feuille de personnage est dense avec de nombreuses caractéristiques à bidouiller et une moisson constante de points d’expérience qui pourra dérouter le novice tant les possibilités d’évolution sont nombreuses. Ainsi, les caractéristiques peuvent être augmentées, mais aussi, les compétences, les techniques martiales, les sorts ou même les points de vie. Dans ce système plutôt souple et sans niveaux, pas d’arbres de compétences mais des capacités qui se monnaient également en XP pour quiconque possède les caractéristiques demandées. Pour vous enseigner ces techniques, vous devrez trouver (facilement) des entraineurs avant de vous lancer dans la bataille.

Blackguards

Les combats, point fort des jeux, bien rodés, mais classiques

Celle-ci est le point fort du jeu, avec la souplesse d’un système solide et classique de tour par tour et une ergonomie agréable (cercle de capacités et raccourcis). Les ennemis ne vous feront pas de cadeaux et il faudra utiliser à votre avantage de nombreux éléments de décors en poussant une caisse, en activant un levier ou en enflammant une touffe d’herbe par exemple. En ce qui concerne les sorts, ceux-ci peuvent être lancés à différents niveaux de puissance, pour des effets (et des couts en points astraux) aussi différents, ce qui multiplie les possibilités.

Si la difficulté des combats est respectable si l’on monte bien ses personnages (et impossible sinon), ceux-ci souffrent d’un déséquilibre flagrant entre des combats simplissimes et d’autres beaucoup plus ardus voire carrément frustrants. A noter, le jeu ne vous prend pas par la main et il faut parfois deviner ce qu’on attend de vous, avec des indications vagues. Il arrive aussi que les combats s’enchainent sans vous laisser le temps de soigner vos personnages. Les cartes pour les batailles sont littéralement toutes uniques et réalisées avec un soin particulier. Rien de bien particulier à signaler en ce qui concerne l’équipement plutôt varié et un système d’encombrement qui vous obligera à limiter fortement votre bric à brac sur les routes. Dommage cependant qu’on se retrouve fauché au début du jeu et richissimes à la fin, sans grand-chose à acheter.

Techniquement moyen mais fluide et peu buggé, Blackguard possède une direction artistique assez typée et franchement sympathique, ainsi qu’une bande son efficace quoi que légèrement répétitive. Seule ombre au tableau, des chargements un peu longuets et fréquents. Ce n’est de toute façon pas l’ambition du jeu de proposer un délire visuel, et les petites configurations devraient s’en réjouir.

En conclusion, Blackguard est un jeu de stratégie au tour par tour avec des éléments de JDR (et non l’inverse) assez agréable, bien conçu et disposant d’une durée de vie fort honorable d’une quarantaine d’heures.
Si elle ne brille ni par son originalité, sa liberté de manœuvre et sa conception, cette première incursion de Daedalic Entertainment dans le domaine exigeant du JDR tactique est fort honorable.
Un essai transformé donc, sans être un chef d’œuvre, qui permettra de s’occuper en attendant la moisson à venir de titres « crowdfundés » à destination des coregamers.

Blackguards / Daedalic Entertainment / 2014

Notes

Graphismes & sons : 4/5
Avec une touche bien à lui et malgré un abus pathologique de floutage, le soft est plaisant à l’œil et à l’oreille. 

Interface de combat : 5/5
Très classique mais solide

Scénario : 2/5
Rien de vraiment folichon, avec pourtant des dialogues inspirés mais trop figé, la linéarité du jeu est par contre rédhibitoire. Dommage.

Jouabilité (fun) : 3/5
Destiné à des joueurs plutôt confirmé tactiquement, les combats sont sympathiques mais l’histoire ne pousse pas trop à l’implication le joueur.