On est loin du « dark & gritty »…
Graphiquement, le choix d’une vue 3D isométrique peut laisser dubitatif des habitués des jeux vidéos. Pourtant, il s’agit bien là d’un choix délibéré, totalement adapté à l’exploration et surtout parfait pour l’aspect tactique des combats en tour par tour. Le jeu a été conçu avec cette vue, et le joueur n’aura d’ailleurs pas vraiment le choix, mis à part une option de zoom permettant de voir vos personnages en gros plan. La vue isométrique sera susceptible de pivoter légèrement, étant rapidement bloqué à quelques degrés, sauf à désactiver une option dans les paramètres. A noter que le jeu ayant été conçu dans cette vue, le studio déconseille cette option. Au niveau du style visuel, le jeu est loin des standards visuels « dark & gritty » ultra-réalistes proposés par nombre de jeux sortis ces dernières années. Sans pour autant proposer un style bédé ou stylisé, le jeu affirme son identité en proposant des décors colorés et chatoyants, extrêmement variés en fonction des endroits traversés. Les monstres, personnages et animations sont bien animés et les effets visuels de sorts ou de coups spéciaux sont nombreux. Il faut rajouter là nombre de musiques somptueuses de Kirill Pokrovsky qui ornementent le tout en lui rajoutant une immersion bien sympathique. Tout petit bémol sur ces dernières, elles ont parfois tendance à se déclencher un peu …n’importe comment.
Sélection de la classe de personnage
Mais passons plutôt au début du jeu. Après une introduction sommaire, le joueur créé les deux protagonistes de l’histoire, en choisissant à chacun leur profession parmi les 11 classes disponibles. Dès lors il y aura possibilité de customiser vaguement l’aspect physique de son personnage, mais aussi et surtout de changer les compétences choisies par défaut. Lorsque cette étape verrouille un personnage dans une classe, cette option peut paraitre dérangeante, le joueur ne connaissant pas vraiment les tenants et les aboutissants de leurs choix. Pour Divinity Original Sin, ce choix n’est que celui de départ. Les (très) nombreuses compétences sont libres, et le joueur peut tout à fait faire évoluer son personnage dans une voie totalement étrangère à celle qu’il aura choisi au départ, un mage, par exemple, pouvant tout à fait évoluer vers l’utilisation d’armure de plate et de la hache à deux mains.
Une multitude de compétences…
A garder en tête tout de même que la difficulté des combats reste assez relevée et que la cohérence et la complémentarité de vos personnages sera indispensable à votre survie.
La création de vos personnages terminée, vous vous retrouvez sur une plage à pied d’oeuvre pour l’exploration de la côte, d’un premier donjon servant de mini-tutorial, et de la première ville, Cyseal. La grande force du jeu est la liberté d’exploration, avec de nombreux endroits à découvrir, de nombreuses choses à faire. Non seulement la carte du jeu est grande, mais elle est également très dense, le joueur est loin d’explorer un monde vide. Au fur et à mesure des pérégrinations, le joueur découvrira nombre de personnages à rencontrer, de quêtes annexes à accomplir, de donjons, énigmes et trésors à découvrir. Les combats, quant à eux, fonctionneront sur le principe du tour par tour, avec des points de déplacement, suivant l’ordre que le score d’initiative déterminera, et les différents sorts ou coups portés verront leur succès ou leur échec déterminée selon les caractéristiques de vos personnages. Pas de doutes, on est dans un RPG pur et dur, et la dextérité du joueur sera totalement mise de coté au profit de l’aspect réfléchi et tactique du titre. Aux quelques compétences de départ, près de 200 compétences seront à débloquer au fur et à mesure de l’avancée de votre personnage, et le tout ouvrira la voie à de nombreuses manières de mener les combats. Le système de jeu ne s’arrête pourtant pas seulement sur des combats au tour par tour, mais met à profit les objets du terrain à déplacer et surtout les éléments, et c’est sa grande force ! Un mage balançant une boule de feu sur un tonneau d’huile, ce sera l’explosion assurée. Plus subtile, un sort générant la pluie suivi d’un sort d’électricité ou de froid aura des effets dévastateurs démultipliés d’autant plus que les créatures rencontrée seront sensible à cet élément (la douche glacée sur l’élémentaire de feu est une bonne idée…).
des combats tactiques en tour par tour. Yesss !
Avec des combats subtils, riches et d’un niveau jamais atteint par aucun jeu de rôle micro, Divinity Original Sin se hisse au sommet de l’excellence pour son système combat. On notera aussi, point Ô combien important : il n’y a pas d’auto-leveling ni de respawn dans le jeu, et il ne sera pas rare de tomber sur des groupes de monstres trop forts, pour lesquels il conviendra de revenir plus tard. Enfin, la carte nettoyée le sera pour de bon.
Une tactique à adapter en fonction des adversaires…
Les interactions avec les différents éléments du monde ne s’arrêtera pas là. Le monde est parsemé de petites énigmes ou puzzles divers, mettant à profit l’astuce du joueur afin de débloquer la situation, d’atteindre un coffre, d’ouvrir une porte, de découvrir tel secret…. Ici ce sera en déplaçant des objets que l’on découvrira un mécanismes cachés, ici ce sera en utilisant tel sort que l’on réussira à franchir un environnement qui paraissait infranchissable, et là ce sera par la parfaite collaboration et à l’entraide entre les deux personnages que vous incarnez que vous réussirez à passer un jeu de mécanismes et de portes.
Avec l’artisanat, le joueur peut fabriquer une foule d’objets utiles (…ou pas)
La richesse de cette interaction avec les éléments du décors s’étend de la même manière avec l’artisanat. Ici pas de table d’artisanat et d’interface austère pour fabriquer quelque chose. Le jeu encourage l’expérimentation pour accomplir les quêtes ou remporter les combats, il en est de même pour l’artisanat. On commence doucement avec la pointe de flèche contondante trouvée sur le champ de bataille qu’il suffit depuis d’inventaire de tirer sur la hampe de flèche pour fabriquer une flèche assommante. Les recettes les plus élaborées sont légion et les résultats sont impressionnants. On citera :
– blé + mortier = farine
– farine + eau = pâte à pain
– marteau de guerre (!) + tomate = coulis de tomate
– pâte à pain + coulis de tomate = pâte à pizza
– pâte à pizza + four = pizza…
si ce n’est pas de la tomate mais du poisson, ce sera une tourte au poisson… sans compter les potions à mélanger, améliorer, de même avec les armures, etc…
On notera pour nos amis lecteurs indéfectibles adeptes de culture naine, que de la bière peut être ajoutée au ragoût afin d’en faire l’indispensable ragoût nain, preuve irréfutable du bon goût du studio de développement belge.
Un QG magiquement protégé, mais sans doutes loin d’être inviolable…
Cette grande liberté et cet aspect bac à sable ne se limite pas au décors, mais est également applicable pour ce qui est des quêtes. On se retrouve quelque peu avec un gameplay émergeant. Swen Vincke, le directeur de Larian Studio, lors de l’interview qu’il nous avait accordé l’avait annoncé, il souhaitait laisser le joueur libre de ses actes et des actions non prévues par les programmeurs ne devaient pas bloquer le jeu. Autrement dit, tous les personnages du jeu doivent pouvoir être tués, et le joueur doit pouvoir tout tenter et résoudre ses quêtes de la manière dont il l’entend, même s’il s’agit d’une méthode totalement tordue.
Un bon système pour régler les divergences d’opinion entre joueurs. En solo, soyez schizophrènes…
A cela s’ajoute un élément totalement schizophrène, le joueur jouant seul gère deux personnages à la personnalité propre. Ceux-ci, en fonction des actes du joueur et des options de dialogues choisies ne seront pas toujours d’accord avec la tournure des évènements. Dès lors, s’engagera une joute verbale entre les deux personnages, le tout dirigé par le joueur. Chacun pourra argumenter en son sens, et si l’un et l’autre ne tombe pas d’accord, il y aura moyen de départager les deux protagonistes à l’aide d’un mini-jeu (facultatif) de pierre-caillou-ciseau, le tout avec un facteur favorisant ou handicapant en fonction de ses compétences dans le talent invoqué (intimidation, amadouer, …). Il en sera d’ailleurs de même lorsqu’il s’agira de convaincre un personnage non joueur. Si cet aspect est assez adapté lors d’un jeu coopératif, chacun des joueurs incarnant l’un des deux protagonistes, il créé un sentiment quelque peu déroutant si le joueur choisit d’opposer les deux héros, ce qui mène immanquablement lors de dialogues avec un PNJ à faire appel au hasard pour la réponse qu’on lui apporte.
En multijoueur coopératif, le jeu permettra le « drop-in, drop-out », c’est à dire qu’une personne peut se joindre à tout moment pour incarner le second personnage. Dès lors, il gèrera l’inventaire, les objets et les options de dialogues de ce second personnage. A noter qu’il sera tout à fait possible pour lui d’explorer une autre partie du monde de son coté sans participer à l’aventure du premier, les dialogues ne se déclenchant pour les deux joueurs qu’à une certaine proximité. Cela a pour avantage de permettre à deux joueurs de jouer ensemble quel que soit l’avancée du personnage dans l’histoire, mais qui rendra très difficile pour le joueur invité de suivre l’histoire s’il ne joue pas à toutes les sessions et ne suit pas l’avancée de la partie principale, d’autant plus que la sauvegarde est et restera sur le disque dur de l’ordinateur hôte. Après tout, nous ne sommes pas dans un MMORPG non plus.
Au niveau de l’histoire, au début les deux protagonistes sont envoyés pour enquêter sur un meurtre dans la ville de Cyseal, apparemment par des adeptes de la source, origine de la magie dans le monde de Rivellon. Cela mènera le joueur sur la piste du meurtrier, dont les actes ne seront que la partie émergée d’une histoire bien plus vaste, ce qui mènera le joueur à suivre le fil conducteur tout en rencontrant une foule de quêtes annexes, dont les ramifications se mêleront agréablement entre elles et recouperont la trame principale. Autant vous prévenir, Divinity Original Sin est un jeu de rôle à l’ancienne. Les programmeurs ont été assez gentils pour placer quelques points de repère sur la carte, pour noter les quêtes à accomplir dans un journal et pour relever l’intégralité des dialogues à consulter ultérieurement, mais n’attendez pas de voir un repère sur une carte ou une boussole pour trouver un objet, un endroit un un personnage désigné par une quête. Il faudra au joueur lire nombre de textes et dialogues, et en extraire les indices afin de pouvoir avancer dans l’histoire. On va chercher les interrupteurs cachés, lire les instructions sybilines d’ouvrages poussiéreux, et se servir de son imagination pour utiliser le moindre pouvoir de notre mage pour progresser. C’est parfois, tortueux, occasionnellement même (trop) tordu, à tel point qu’il sera parfois difficile de résister à chercher la solution sur Internet. Bref, enfin un jeu de rôle qui (re)demande de se servir de son cerveau. Chouette, avec tous les jeux qui m’indiquaient par une flèche et un emplacement sur la carte là où je trouverai l’Artifact nain disparu depuis trois siècles, je finissais par me demander si j’en avais encore un (de cerveau) !
Le scénario principal est de bonne facture, et se permet même d’une double lecture sur le thème de l’âme et de l’union de deux êtres, ainsi qu’une recherche sur le passé de nos protagonistes principaux. Sans en dévoiler plus, par souci de non linéarité de l’histoire et de liberté du joueur, le scénario a été quelque peu taillé pour permettre d’explorer le monde de Rivellon sans se poser de questions quant aux conséquences de nos actes, mais le parcours est parfois au détriment du jeu pour arrive à ce résultat. Bref, le scénario est présent, mais manque parfois de punch pour motiver le joueur. On note également que le grand soin apporté aux quêtes de début du jeu n’est plus aussi présent dans le dernier quart du jeu. La fin se focalise plus sur des combats que des quêtes, à l’inverse du début à Cyseal. Ca devient bourrin, parfois un peu longuet sur la fin, avec un jeu qui totalise bien 90 heures de jeu pour être fini, même si les quelques énigmes disséminées dans le jeu restent particulièrement retorses. Il faut cependant noter que si les dialogues sont biens sentis, et constellé de perles d’humour tel que Larian sait le faire, on peut apprécier, ou non, cet humour. Personnellement, j’apprécie une touche d’humour dans un jeu, mais ici j’ai parfois un peu plus de mal à me sentir sérieusement concerné par l’histoire. Quoiqu’il en soit, pris dans leur globalité, les quêtes annexes sont vraiment réfléchies et bien amusantes. On est loin de devoir rapporter 100 dents de rats à la première quête. On en remercie Larian Studio !
Outre les choix effectués pour le scénario, au niveau des défauts, Divinity Original Sin n’atteint toutefois pas la perfection absolue. On notera tout d’abord une interface assez archaïque, qui même si elle est globalement intuitive, demandant au joueur de trop nombreux clics de souris sur des endroits précis. Le joueur ouvre cinq caisses, il lui faudra cliquer sur la croix de fermeture cinq fois, appuyer sur la touche « esc » cinq fois, …ou s’éloigner des caisses, ce qui n’est pas toujours ce qui est souhaité. On subit aussi un inventaire qui fait parfois figure de véritable souk pour le joueur peu soigneux (les sacs de rangement sont indispensables) et l’interface de vente est assez déroutante (est-ce que mon personnage qui négocie la vente est bien celui qui a la compétence de marchandage, ou est-ce celui qui a le sac ouvert ?).
On pourra aussi reprocher à Divinity Original Sin de se situer, comme les autres Divinity, dans le monde de Rivellon, qui reste un monde de fantasy au final assez générique et insipide.
On peut aussi critiquer la sortie chaotique et précipitée de ce titre finalisé au dernier moment, compilé à l’instant même de sa sortie, avec de ce fait quelques bugs gênants, une traduction en français de bonne facture mais parfois incomplète. Il faut noter l’un ou l’autre points de détail du jeu qui n’ont pas pu être implémentés le jour de la sortie et qui le seront par la suite par le biais de mise à jour. On soulignera toutefois la réactivité de Larian Studios qui, avec un rythme soutenu de mise à jour a réussi à régler les détails les plus gênants en 48 heures. Au final on se retrouve avec un jeu très stable, sans bugs apparent, offrant une excellente expérience de jeu. Du contenu supplémentaire a d’ores et déjà été rajouté par des mises à jour, l’interface du jeu a été améliorée et ce n’est pas fini…
Enfin qui aime bien châtie bien. Les quelques remarques négatives ne sont franchement rien à coté des immenses qualités de ce jeu. Divinity Original Sin est un exemple unique de ce qu’est la quintessence du RPG. Il ne loupe aucun des aspects de ce qui compose un jeu de rôle et réussi à le faire avec classe et brio.
Tout simplement un incontournable. Le meilleur jeu de rôle depuis des années destiné à devenir un RPG mythique.
Ce test définitif fait suite au premier test réalisé en juillet 2014 au bout de quelques heures de jeu. Une note a été attribuée sur le scénario principal, et des ajustements ont été effectués sur les notes au vu de la seconde moitié de l’histoire.
Divinity Original Sin / Larian Studios / 2014