Dragon Age Inquisition

Après un premier volet très apprécié des fans de RPG, Bioware a remis le couvert avec un second opus bien plus controversé, abandonnant l’aspect tactique du premier, mais aussi en proposant un jeu plus pauvre, avec une exploration bien plus linéaire réutilisant les décors, mais aussi une histoire bien plus linéaire..

Dragon Age InquisitionDragon Age Inquisition était annoncé comme étant un retour à ce qui avait fait le succès du premier opus, mais en gardant les évolutions du second. C’est en fait plus vers une nouvelle direction que s’est orienté le développement de ce jeu de rôle. D’un côté on revient vers quelque chose d’un peu plus tactique que dans le second opus, tout en conservant le gameplay nerveux et le facteur « action » initié dans le second volume. A coté de cela, tout un pan du jeu a été implémenté, l’ouvrant vers d’autres horizons et des mécanismes de jeux inédits dans les RPGs, mais l’éloignant par là même des critères qui en faisaient un jeu de ce genre.

Dragon Age Inquisition

De la forêt d »émeraude…

Graphiquement, le moteur de jeu est le moteur « maison » d’Electronic Arts, qui permet un travail poussé au niveau des décors et des effets graphiques. Avec sa vue 3D montrant votre personnage, Dragon Age Inquisition n’a pas à rougir face à la concurrence. On pourrait toujours dire que les personnages sont un peu en deçà des décors, ou que l’aspect graphique de certains endroits sont plus réussis que d’autres, mais il faut reconnaître que Bioware a fait très fort au niveau des décors et du « world design ». Fini les espaces étriqués et les espaces réutilisés « ad nauseum » du second volet. Ici on peut explorer diverses zones immenses accessibles depuis la carte générale du jeu. Si pris isolément, certains rares secteurs peuvent paraître un peu mornes par rapport à d’autres ou aux décors de certains jeux de la concurrence (on pense à The Witcher 2), il faut souligner tout d’abord la grande diversité de ces décors, que ce soit des déserts brûlants, des roches, des vertes forêts, mais aussi des sommets enneigés, ou des caves, donjons, et éléments architecturaux présentes dans le jeu. Force m’est d’avouer que le jeu est immense et plus diversifié que tout ce que j’ai vu jusque là.

..aux déserts brûlants

..aux déserts brûlants

Cerise sur le gâteau, on n’a jamais l’impression de voir des éléments ayant fait l’objet de génération procédurale. Visiblement, le décors, les bâtiments, la forêt, les roches, ont tous été créés de manière harmonieuse afin de donner une cohérence d’ensemble rarement atteint dans un jeu permettant d’explorer librement des zones aussi vastes. Lorsqu’on rajoute la diversité des endroits à explorer, le joueur aura grand plaisir, sans cesse renouvelé, à se perdre, parfois même trop, dans les vastes étendues de ce monde sauvage pour y découvrir les surprises dont elles regorgent. Il n’y a pas à dire, EA a mis les moyens dans leur dernier titre, et ça se voit.

Un des nombreux coins à découvrir

Un des nombreux coins à découvrir

L’envergure des possibilités d’exploration font la grande force de ce titre, et est, à mon sens, quelque chose d’inédit à cette échelle dans un RPG. Cet aspect du jeu fait cependant partie d’une jouabilité globale plutôt déroutante pour un jeu de rôle.

Sans trop livrer le scénario, le joueur incarne le grand inquisiteur, avec le pouvoir de fermer les failles menant à l’Immatériel, desquelles sortent des hordes de démons qui polluent le monde, faisant craindre un nouvel enclin, lorsque ces failles s’ouvrent en grand et que les démons se déversent, anéantissant presque toute vie.

L'Immatériel, d'ici viennent les démons

L’Immatériel, d’ici viennent les démons

Le jeu consistera à explorer diverses régions, afin d’y accomplir certaines quêtes, puis de gagner des points de puissance de l’inquisition. Au niveau de ces quêtes celles-ci seront assez diverses en qualité tout comme en intérêt. On notera la découverte de points d’intérêts, la fermeture de failles de l’immatériel, la collecte d’ingrédients d’artisanat, la collectes d’objets spécifiques à vos compagnons, mais aussi à certains scénarios inhérents à chaque zone traversée. Certaines seront très intéressantes, bien scénarisées, avec un fil conducteur plutôt passionnant, d’autres seront plus dans le style de ce que l’on pourrait trouver dans certains MMORPGs, avec, vous l’aurez compris, des vulgaires objets ou cristaux à collectionner. Vu la taille du jeu, on ne pourra que trop recommander de ne pas trop pousser les quêtes secondaires de collecte d’objets, afin de ne pas se noyer dans des quêtes annexes de peu d’intérêt. On se limitera aux activités qui nous plaisent, à l’histoire principale, et si le fil conducteur de la zone où vous êtes vous tient en haleine, persévérez, mais à trop vouloir aller « jusqu’au bout » des moindres détails des cartes et des quêtes à explorer, on finit par se dégoûter et à oublier le fil principal de l’histoire. Pour ma part, même fermer les failles de l’immatériel finissait par devenir fastidieuses à la 40ème faille fermée…

Soyons clair, c’est un jeu fleuve, on y prend grand plaisir à s’y perdre, mais il ne faut pas s’y noyer !

La carte d'état major

La carte d’état major

Entre deux cartes à explorer, le joueur se rendra sur la carte d’état major, où les points de puissance vont permettre aussi de débloquer, outre de nouveaux lieux, de nouvelles quêtes à accomplir (donnant parfois accès également à de nouvelles cartes). Plus anecdotique, vos conseillers seront également à même d’accomplir de petites missions de leur côté afin d’obtenir telle ou telle alliance, objet ou autre élément utile.

L’ensemble est globalement intéressant et très satisfaisant, et la superposition de la partie gestion de forteresse, avec ses missions à débloquer, discussions avec vos compagnons, artisanat, et jugements en tant que grand Inquisiteur, et de la partie action, avec l’exploration des cartes et l’accomplissement des missions est assez sympathique. Le tout change agréablement des RPGs pur souches que l’on connaît, même si certains des mécanismes semblent plus empruntés à l’univers du jeu vidéo, comme des jeux comme la série Assassin’s Creed, qu’à l’univers du RPG.

Des dialogues excellents comme Bioware sait en faire, mai un doublage moyen

Des dialogues excellents comme Bioware sait en faire, mai un doublage moyen

On notera aussi la grande qualité du scénario et des dialogues, qui, mis à part un sérieux bémol sur la qualité du doublage, sont très fouillés et intéressants, et s’intéressent non seulement à la vie privée de vos compagnons, mais plus généralement à des problèmes de géopolitique plutôt poussés dans le monde de Thédas. Les relations entre les mages et les Templiers sont tendues et complexes, les intrigues Orlaisiennes battent leur plein, les gardes de l’Ombre commencent à céder à l’appel de leur sang vicié par les engeances, et les mages Tévintides saupoudrent le tout d’une joyeuse anarchie. On est dans du très haut de gamme, et le jeu vaut le coup rien que pour cet aspect.

Votre combat le plus épique - l'interface

Votre combat le plus épique – l’interface

Tout n’est malheureusement pas aussi idyllique dans le monde de Thédas. Dès les premières minutes de jeu, le joueur PC que je suis a du me bagarrer avec l’interface de ce titre. Disons le tout de suite, l’interface de Dragon Age Inquisition a été pensée avec les pieds, un joypad à la main. Non seulement celle-ci a été totalement pensée pour cet accessoire, mais en plus l’ensemble des éléments visuels et d’action ont été (mal) pensées en fonction de cet accessoire. Que ce soit pour le menu de sauvegarde, d’évolution de votre personnage, ou encore et surtout pour la gestion de votre inventaire et de l’artisanat, on passe par un système miteux d’arborescence. Bref, pour voir de quelle armure est équipée votre personnage et pour en changer, il faudra passer par le menu commun aux options/sauvegardes/inventaires, … (esc), puis sélectionner arme, puis voir de quelle arme il s’agit en regardant si celle-ci est entourée de crochets lumineux si elle est équipée. Cela serait encore supportable, si cette gestion ne concernait que l’équipement ou non d’un objet, mais elle concerne également l’ENSEMBLE des objets transportés, pouvant faire l’objet d’artisanat. Autant l’artisanat est relativement intéressant et apporte un plus indéniable au jeu, autant la mise en pratique de celui est une véritable galère, avec une interface unifiée à l’inventaire, une abomination visant à décourager ou à énerver le joueur souhaitant transférer une amélioration d’une arme sur une autre. On passera souvent de multiples fois sur l’interface, sans aucune visibilité de son équipement, au point de ne pas voir la pièce à améliorer pour au final en améliorer une autre…

Les individus ayant inventé ce subtil moyen de torture digne de l’Inquisition devraient faire un tour par le pal, avant de se retrouver écartelés en place publique. Enfin, bon, puisque nous parlons d’inquisition, peut être voulaient ils faire profiter le joueur d’une catégorie de leurs services.

Les combats : un joyeux foutoir

Les combats : un joyeux foutoir

Du côté des combats, la déception n’est pas aussi violente, mais elle est aussi présente. Les combats sont en grande partie gérés en temps réel. Si le joueur a la possibilité de s’éloigner du champs de bataille géré en temps réel avec pause, il sera vain d’espérer établir une tactique digne de ce nom. Tout d’abord, la barre de raccourcis de vos personnages ne comprend que huit emplacements permettant le lancement de sorts ou de capacités spéciales, mais deux autres éléments vont vous empêcher d’élaborer une tactique digne de ce nom.
Il s’agira tout d’abord de la vue. S’il est dorénavant possible de dé-zoomer en vue tactique se situant à mi-chemin entre le premier opus et le second, celle-ci ne permet pas d’appréhender facilement le champ de bataille. Exit la possibilité de bien se positionner, afin de profiter du coté tactique des combats. Ce ne sera pourtant pas ce dernier point qui achève toute velléité de planification, mais plus l’impossibilité totale de donner plusieurs ordres à la chaîne. Mettre la pause entre l’exécution de chaque ordre afin de faire du micro-management de votre équipe devient vite galère, et on finit par laisser l’IA s’occuper de gérer vos compagnons, et très vite le combat prend l’aspect d’un feu d’artifice, où l’on gère tant bien que mal les attaques, tant par manque de visibilité de l’ensemble que par l’impossibilité de mettre en œuvre une tactique cohérente. Le tout finit par ressembler à un MMORPG, ou le joueur se positionne vaguement et ne fait qu’utiliser successivement les compétences en fonction de leur « cooldown », et dans un ordre préétabli pour maximiser les dégâts. Pour ce qui est des compétences de vos compagnons, on programmera l’IA, et on laissera faire. C’est loin d’être une catastrophe, mais ça aurait pu être tellement mieux à peu de frais !

Cumuler les effets pour obtenir une synergie gagnante

Cumuler les effets de vos sorts et compétences pour obtenir une synergie gagnante

A coté de cela, les compétences et caractéristiques de votre personnages et de vos compagnons seront à faire évoluer en fonction des niveaux, avec les mêmes possibilités de synergie entre les états générés sur vos ennemis par vos compétences. On regrettera le manque de clarté de l’arbre de compétences, faisant paraître les combos plutôt confus. Frapper d’un coup écrasant sur une victime congelée, la fait toujours exploser, mais dommage qu’avec un système tellement brouillon, la mise en œuvre en devient vite obscur. Quel dommage !

Pourtant, malgré ces énormes défauts inhérents à l’interface et au système de combat, le jeu reste franchement excellent, …et c’est d’autant plus rageant. Comment peut-on autant réussir l’exploration du monde, son histoire aux multiples rebondissements, et saboter de bonnes idées par des limitations purement techniques d’interface de… de… merde ? Il y a de quoi s’énerver, le principe des combats avec la gestion des effets et de la synergie qu’ils ont sur les monstres est excellent, l’artisanat qui est bien pensé, mais pourquoi réduire à néant cet excellent travail ?

Décors et ambiance assurés, une découverte et un émerveillement de tous les instants

Décors et ambiance assurés, une découverte et un émerveillement de tous les instants

Alors que dire de ce titre… Un incontournable au niveau de l’exploration, de sa richesse, des dialogues, du scénario, de l’immense travail accompli par les développeurs pour rendre ce monde riche, bourré de contenu avec une profusion de choses à faire, bref, l’un des tout meilleurs jeux à ce niveau là.
Le système de combat n’est pas simplement moyen, il était excellent à la base, offrant de grandes possibilités tactiques et intelligemment conçu, mais il a malheureusement été plus ou moins saboté par son interface en rendant son coté tactique confus, voire parfois ingérable. La frustration est d’autant plus grande que le titre est bon, et qu’on prend grand plaisir à y jouer.

Au final on se retrouve avec un excellent titre, possédant de sérieux atouts, mais souffrant de combats plutôt bourrins, d’un intérêt très relatif, et possédant l’une des interfaces les plus fastidieuses de ces dernières années alors qu’il avait absolument tout pour lui pour fouler du pied toute concurrence.

Un jeu à ne pas manquer, dont l’histoire et la découverte du monde réussit à rendre accroc, mais ne cherchez pas le côté tactique.

Dragon Age Inquisition / Bioware / 2014

Notes

Graphismes et sons : 5/5

Interface de combat : 3/5

Scénario : 5/5

Jouabilité (fun) : 4/5