Ouille. Il était pourtant prometteur avec ses combats en tour par tour, son univers post-apocalyptique romain sans magie et son cadre vendu comme évolutif. Véritable arlésienne, la longue gestation d’Age of Décadence (11 ans et demi !) laissait prévoir de graves handicaps à la naissance, comme le petit « Duke Nukem Forever » né attardé et sans game design. Vendu comme un RPG pour les vrais hommes plus coregamers que toi, la promesse d’accomplissement SM est-elle un cache-misère, ou un nouveau souffle pour le genre ? La réponse dans ce mini-test.
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Age of Decadence
Qui n’aime pas châtie bien
Oui, Age of Décadence est difficile. Hélas, pas comme une grille de Sudoku. Plutôt au sens de « petit con qui pique une crise à Carrefour». Le soft ne souhaite pas être aimé. D’ailleurs il vous méprise clairement. Si ce jeu était une personne, il volerait votre numéro de carte bleu pour vous inscrire sur un site djihadiste et vous dénoncer contre une prime, inviterait des lépreux à essayer vos lentilles de contact et ferait prendre du crack à votre petite soeur pendant vos heures sup’ à l’usine.
Le game design par exemple. N’espérez pas la moindre continuité narrative. De quel droit osez-vous exiger de jouer un rôle dans un RPG ? Vous serez soumis, fouetté. A la merci de ce que le jeu voudra bien vous laisser faire. Et ça sera en dépit de votre roleplay, de la logique et de vos choix.
Un exemple représentatif: vous acceptez d’assassiner un général assiégeant une ville. Votre but est en fait d’isoler le maître assassin qui vous accompagne pour le tuer. Pour cela, il va falloir convaincre le général que dehors se trouve son ennemi juré.
Petit quiz, quelles sont les compétences dans un jeu de rôle qui permettent d’inciter votre interlocuteur à regarder derrière lui si il y a un éléphant-ninja ?
Réponse :
« connaissance de la rue » bien sûr (streetwise)…En effet, dans un monde post apocalyptique romain les généraux parlent verlant, font des roues arrières en scooter et fument des pétards.
Vous étiez plutôt « persuasion », « baratin » ? Manqué boloss, Constantinople en 4212, c’est la loi du 9-3 !
De toute façon, vous devez avoir AUSSI un certain score en charisme (inaugmentable). Pour que ce maître de guerre envoie un homme de son armée regarder devant sa p….n de tente. Apres cette cuisante déroute et faute d’avoir freestylé comme c’est l’usage dans l’armée, il ne vous reste plus qu’une option.
Et quelle est cette option ?
Réponse : égorger le général. Comme ça. Devant ses hommes. Pour bien être sûr qu’ils vous lapident.
Marche au pas ou crève
Oui, c’est logique. Pas merci, pas au revoir. Vous ne le voulez pas, mais le jeu vous force la main. C’est littéralement la SEULE chose cliquable. Vous êtes désormais un agent triple. Car c’est comme ça que vous étiez rentré dans la guilde, en foirant une quête faute d’avoir la compétence « vider un poulet » sur le champ de bataille ou « coup critique » en commandant un demi dans la taverne.
Et c’est là tout le drame de cette farce vidéoludique : Vous ne pouvez rien faire, jamais.
Voilà comment mon universitaire binoclard (comme le jeu insiste lourdement sur le fait qu’il est difficile, j’ai choisi la connaissance à barbiche au coup de crâne rasé) s’est retrouvé au fil des heures à investir tous ses points de compétence dans l’esquive (pour ne pas se faire tabasser comme une pinata mexicaine) et l’épée. Toujours épais comme un hareng, il traîne désormais une réputation de serial-killer façon Lee Van Cleff dans un western. Tout ce qu’il voulait, c’était faire des trucs gentils, genre creuser des puits et ouvrir des écoles d’ornithologie. Mais le destin est cruel, comme dans Antigone.
Toutes mes tentatives de discrétion, de négociation, de recherche, de ruse ou de subtilité ont explosé en vol suite à un impératif de compétence (si possible totalement à côté de la plaque) manqué. Qui se solde invariablement par un affrontement. Ou plutôt une boucherie.
Ce qui nous amène au combat. Malgré des animations assez sympas et quelques options de puissance/vitesse des coups, ils sont leeeeeeeeeeeeeent. Et puis on ne peut pas sauvegarder pendant. Et puis on meurt vite. Et puis on n’a pas le droit aux objets de soin. Alors on se retrouve à rejouer la moindre baston en bâillant en espérant le bon coup de dés. Stratégiquement, c’est un retour aux sources, tendance chambranle de porte pour faire face à un opposant à la fois. Si on a la chance de trouver la compétence régénération on court un peu partout pour récupérer un pauvre point de vie par tour. Rares seront les occasions où vous ne vous ferez pas lapider en bonne et due forme.
Everybody hate Grodar L’épais*
Car oui, tout le monde vous déteste, vous méprise, essaie de vous tuer et de vous voler. Souvent les 4 à la fois. Forcément, au bout du troisième « suivez-moi dans la ruelle j’ai un truc à vous montrer » on se doute bien. Mais pour le jeu, vous avez gardé l’âme candide d’un joueur de Zelda. Des alliés ? N’y pensez pas, vous êtes le vilain petit canard permanent.
Graphiquement c’est laid comme un Neverwinter 1, mal optimisé. Avec des cartes où on ne sait jamais vraiment quoi cliquer. Alors on tâtonne comme dans un champ de mines, histoire de voir où s’arrête la ruelle. Vous croiserez 99% de coffres qui ne servent à rien. Ils sont littéralement des textures non cliquables, comme les PNJ.
Le scénario essaie d’être évolutif et original, mais c’est raté. C’est plutôt tyrannique et foutraque : Ya des romains comme dans Spartacus, des portails dimensionnels comme dans Stargate, et des marchés orientaux comme dans Game of Throne. Pis des robots et des dieux qui sont en fait des êtres d’autres dimensions comme dans Half Life. C’est aussi cohérent qu’un supplément RIFT de Palladium (private joke) sur les Canards Vampires Cybernétiques Vaudous du Botswana.
En cicatrisant, il me faut m’interroger ouvertement sur ce qu’on bien foutu les dévs pendant ces longues années de développement. Je pense qu’ils ont passé ces années à cuver leur misanthropie pour essayer de peaufiner l’expérience de jeu pénible parfaite, et capitaliser sur l’aspect difficile.
Un public de gamers ravis, les hipsters du masochisme.
Et ce cocktail rare de mauvaise foi et d’absence de talent semble d’ailleurs avoir trouvé un public exigeant en matière de coups de fouet. Comme une pince crocodile trouve toujours un téton de masochiste où s’accrocher. Ce qui explique sans doute la note étrange (9 sur 10 quand même) sur Steam. Personne ne souhaite passer pour un joueur casual rebuté par la « difficulté ». Plutôt subir que de se plaindre et ressembler à un Kévin sur Call of Duty. En cela le jeu peut se réclamer de l’idéologie Sparte. On en prend plein la gueule, pour pas un rond.
Devant ce plébiscite des adeptes de la souffrance, une suite est à craindre. Heureusement, vu l’assiduité des programmeurs, les premiers cris de joueurs martyrisés ne devraient pas retentir avant 2020 au bas mot.
Ce qui nous laisse le temps d’essayer d’oublier cette expérience pénible avec un bon thérapeute, et le support des proches.
*Mon perso
Notes
…on se passera de notes, le test est suffisant…
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