Le premier opus n’utilisait qu’une version améliorée du moteur du bon vieux Neverwinter Nights pour dépeindre le rude monde de l’auteur A. Sapkowksi, avec une consonance résolument mature. Il était aussi et surtout premier à proposer un un gameplay faisant la part belle à des choix ayant des répercussions après plusieurs heures de jeu plus tard.
Le second opus a porté encore plus loin ce concept de choix et de conséquences, en permettant au joueur de se ranger du côté de l’une des factions s’opposant, et en faisant découler un bon tiers du jeu et des lieux visités de cette décision. Jamais un jeu vidéo n’avait fait dépendre le déroulement d’autant d’événements et de quêtes à accomplir d’une simple décision du joueur. Cerise sur le gâteau, et non des moindres, l’aspect graphique a fait longtemps office d’étalon pour la production vidéoludique de la concurrence.
C’est dire si The Witcher 3 était attendu au tournant, avec l’annonce d’un monde ouvert librement explorable, accompagné d’un scénario faisant culminer la quête du Sorceleur pour terminer la trilogie en apothéose.
Pour la troisième et pour le dernier épisode de la série, le joueur incarne Geralt de Riv, chasseur de monstre amélioré génétiquement et par magie, pris dans les méandres des relations politiques entre les puissants, à la recherche de sa fille adoptive, Ciri. Cette dernière ayant quelques pouvoirs, a attiré l’attention de la mystérieuse Chasse Sauvage, également à sa recherche. C’est sur ce début, qui semble pétri des poncifs du genre, que le joueur se trouve embarqué dans une quête qui l’occupera un bon paquet d’heures.
Cette quête principale sera longue, assez complexe et parfois surprenante dans son fonds et surtout sa forme, mènera le sorceleur à parcourir le monde d’où est issue la Chasse Sauvage, à résister à une attaque de siège, dans une épopée épique digne des plus grandes productions cinématographiques. On apprécie aussi qu’au fil de l’aventure la psychologie des protagonistes est étudiée, creusée, et évolue, parfois en fonction des décisions du joueur, mais à aucun moment CDProjekt Red ne cèdera à la facilité. A cette quête principale se rajoutent des quêtes secondaires, …de très nombreuses secondaires.
Les premières heures de jeu font office d’un immense tutoriel et faisait craindre des zones limitées explorables comme ce que faisait Dragon Age Inquisition, mais dès cette étape passée, la totalité du monde s’ouvre à l’exploration, sans aucun chargement entre les zones, et on se rend vite compte que la surface déjà fort respectable à explorer n’était qu’une goutte d’eau dans l’océan. Cet aspect a été développé à un tel point, qu’on pourrait être tenté d’utiliser la possibilité offerte de couper tout élément d’interface et de se perdre dans ce monde si riche et vaste. Au fond, le but n’est-il pas de s’évader de notre quotidien dans un univers vibrant de réalisme, plutôt que d’accomplir sa quête afin d’en arriver à son terme ? Le chemin parcouru n’est-il pas plus important que sa destination ? Il suffit de se lancer pour effectuer de longues heures de chevauchée à travers les plaines et les montagnes et pour découvrir les recoins les plus éloignés et les plus exotiques à s’imprégner de ce monde, de la vie de ses habitants, et d’apporter son grain de sel à cet univers si riche, en aidant les villageois lorsque la présence d’un Sorceleur se fait ressentir. Rappelons-le, les Sorceleurs sont avant tout des chasseurs professionnels de monstres.
Les quêtes, parlons en. Jamais, au grand jamais, je n’en ai vu une telle variété, et surtout un tel soin apporté à des quêtes dites « secondaires ». A chaque village ou bourgade traversée, se trouveront des villageois, prêts à donner obole ou à demander de l’aide pour leurs problèmes. Ici, on ne fait pas l’insulte à l’intelligence du joueur en demandant de récupérer 10 dents de loups, pour je ne sais quelle raison. La moindre demande du paysan du coin parait secondaire, puis tel un écheveau, on tire un fil de l’histoire et les raisons et ramifications scénaristiques surgissent dans toutes leur complexité. Ici ce sera d’enquêter sur la disparition d’une femme dans la forêt, mais bien loin de trouver bêtement un cadavre dévoré par les loups, certains indices mèneront à la découverte de ses motivations, pourquoi sortir en pleine forêt la nuit. Un amant ? Oui, mais quelles sont ces morceaux de fourrure et traces de griffe sur les arbres ? Et si d’aventure on découvre le meurtrier, qui l’a mise sur son chemin ? Pourquoi ? Et finalement, si le vrai monstre n’est pas celui que l’on croit ?
Plus généralement, Geralt de Riv, en tant que Sorceleur aura quelques pouvoirs afin de suivre les pistes, et pourra se servir de ses sens ultra développés, pour trouver des indices invisibles au commun des mortels, sans pour autant que l’utilisation de cette compétence ne fasse trop l’injure de tout livrer au joueur peu attentif. La moindre chasse au monstre deviendra une quête en soi. Il ne s’agira pas de foncer tête baissée pour tuer la créature qui terrorise un village, mais avant cela, ce sera l’étude des traces laissées par cette dernière, que ce soit par les blessures qu’elle a occasionné sur les corps, l’habitat, le contexte, mais aussi les connaissance du Sorceleur en fonction des indices récoltées qui permettront de la vaincre. Ici le joueur se transforme en véritable enquêteur, récolte les indices analysés un par un par le Sorceleur, donnant des indications sur ce qu’il va affronter. On se prépare alors au combat en aiguisant ses armes, fabriquant les potions adaptées, les défenses adéquates, mais aussi, lorsqu’il s’agit d’un spectre par exemple, ce sera trouver la manière de s’en débarrasser définitivement et non de dissiper une apparition en la combattant, … jusqu’à ce qu’elle réapparaisse la nuit suivante.
Comme dans les opus précédents, le jeu est mature, les thèmes abordés le sont aussi, et les décisions des joueurs, la manière de résoudre des quêtes aura des répercussions… des conséquences parfois infimes, mais aussi parfois dramatiques, dont les effets seront constatés des dizaines d’heures plus tard. Rien n’est innocent, rien n’est anodin, et c’est ce qui a toujours fait la grande force de CDProjekt, et qui reste l’un des points forts du titre.
A ces moultes quêtes magnifiquement écrites, se superpose quelque chose à l’intérêt bien plus contestable : des points d’intérêts sur la carte, apparaissant dès lors que le joueur lira le panneau d’affichage ne manquant pas d’être au centre de chaque bourgade. Ces centres d’intérêts, qui rappelleront certains souvenirs aux joueurs d’Assassin’s Creed ou de Dragon Age Inquisition, seront quant à eux constitués de camps de bandits, de pierres de pouvoir permettant d’améliorer ses caractéristiques, de trésors ou d’autres éléments de combat donnant quelque récompense. Bref, ces centres d’intérêts, plutôt sans intérêts ont été un moyen pour remplir quelque peu le monde, histoire de ne pas avoir quelque chose de trop vide à parcourir, mais il s’agit de quelque chose de plus ennuyeux qu’autre chose, d’autant plus qu’on se sent juste obligé de les visiter, les points de pouvoirs permettant de développer votre personnage.
Fort heureusement, le monde est magnifique à explorer. Si l’aspect graphique a fait l’objet de quelques critiques aux premières bandes annonces diffusées, il faut bien avouer que le résultat est spectaculaire. Alors oui, The Witcher 3 n’est pas aussi aboutit graphiquement parlant que ce qu’il aurait pu l’être si le jeu n’avait été développé que pour PC, et c’est râlant. Oui, il fait moins office de mètre étalon pour juger des capacités actuelles des cartes graphiques, mais il faut souligner l’extraordinaire travail accompli par le studio de développement. Le coté artistique n’est pas en reste, loin s’en faut, et il s’agit tout simplement de l’un des jeux les plus beaux qui m’ait été donné de voir sur PC, sans compter l’environnement sonore, mêlant bruitages et musiques lancinantes ou rythmées, en fonction des situations. A de nombreuses reprises, le joueur ne peut que s’arrêter, regarder les paysages enchanteurs qui se dévoilent devant ses yeux émerveillés, notamment aux heures les plus avancées du joueur, lorsque la luminosité est rasante, au lever ou au couché du soleil. On notera aussi l’excellence des animations, que ce soit en combat, pour les créatures ou les humains, The Witcher 3 est tout simplement magnifique.