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Deus Ex Mankind Divided
Par Dagon
Avec Deus Ex Human Revolution, le reboot de la série Deus Ex s’est fait sous le signe de la qualité, avec un jeu mettant en avant la diversité des approches possibles des missions, ainsi qu’un style artistique soigné. On déplorait toutefois à l’époque certaines fautes de jeunesse. On se souvient de l’absence d’option non létales pour les 3 « boss » présents dans le jeu, élément vite corrigé lors de la version Director’s Cut, mais aussi de quelques lacunes liées au moteur graphique ou à l’interface du jeu.
Une bonne recette un peu édulcorée…
Deus Ex Mankind Divided reprend la recette du premier opus en l’améliorant sur certains points. Pourtant ces améliorations s’accompagneront de certaines choix scénaristiques ou financiers qui ne manqueront pas de faire grincer des dents nombre de joueurs.
Plantons le décor : l’histoire se déroule quelques années après les événements décrits dans le premier opus, alors qu’une vraie ségrégation entre humain et augmentés a vu le jour, après le carnage que l’on décrira pudiquement comme « l’incident ». Les augmentés dont l’humanité se méfiait font l’objet maintenant d’un véritable apartheid, avec contrôles policiers, ghettos, oppression et tout ce qui va avec. Les thèmes intelligemment développés lors du premier opus réapparaîtront, mais malheureusement de manière plus caricaturale. Autant les luttes de pouvoirs entre les diverses corporations sont toujours présentes et le scénario navigue allègrement dans des complots imbriqués les uns aux autres, autant la subtilité de la géopolitique et des luttes de pouvoirs instillée dans le premier semble se réduire à une lutte plutôt manichéenne entre pro et anti-augmentés.
De fait, on s’y retrouvera un peu plus dans les tenants et les aboutissants parfois un peu confus lors du premier opus, mais on y perd clairement au niveau de la subtilité du message et de l’écriture générale des dialogues. Les scénaristes se perdent d’ailleurs parfois dans certaines phrases sibyllines insinuant certains agendas cachés ou obscurs complots, qui, lorsqu’on creusent un peu sont au mieux artificiels ou au pire n’ont plus aucun sens dans la trame générale. Bref, on y perd clairement dans le monde décrit, et le jeu reste plutôt décevant au niveau de l’écriture comparé au premier opus.
Si l’aspect manichéenne est vraiment manifeste au début, l’intrigue gagne heureusement en complexité au fur et à mesure de l’avancée, et se conclut de manière plutôt abrupte sans vraiment donner de réponse à un certain nombre d’éléments soulevés au fur et à mesure de l’avancée du joueur. De là à conclure que le jeu ait été volontairement coupé de certains de ses éléments est un pas qu’on ne franchira pas (après tout, l’histoire s’achève réellement à son dénouement), mais il est clair que Square Enix s’est gardé un certain nombre de portes ouvertes pour une poignée de DLCs qui apporteront sans aucun doutes des réponses aux points non traités, …sans compter le teaser planqué derrière le générique de fin.
…un ingrédient un peu faisandé…
Quelques lignes au sujet de la politique commerciale initiée par Square Enix, avec l’annonce du premier DLC presque simultanément à la sortie du titre principal. Ce dernier, dont la disponibilité a été prévue très exactement un mois après la sortie, n’a pas manqué de déclencher une certaine démangeaison au fondement des joueurs, surtout au vu des éléments scénaristiques non traités par le jeu de base.
On constate aussi une sérieuse propension de l’éditeur à gratter les fonds de tiroir avec de la vente de bonus ingame digne des jeux free-to-play les plus pourris. Même si la page est relativement discrète, il sera en effet possible d’acheter quelques kit Praxis afin d’améliorer son personnage moyennant quelques Euros. D’un autre côté, encore plus vicieux est la récompense de deux kits praxis offerts pour l’acquéreur du jeu mobile.
Si tout cela reste assez marginal et s’apparente plus à de la triche qu’à des éléments indispensables au jeu (genre jeu en kit), le principe reste bien naze et garde l’odeur d’une chaussette usagée de coureur de marathon. On commence par des kits Praxis pour précommande, ensuite pour une appli smartphone donnant droit à des bonus, et on termine par vendre de la progression de votre personnage ingame, où s’arrête-t-on ?
…qui ne parvient pas à gâcher un plat…
Après ces quelques éléments qui fâchent, il faut reprendre avec honnêteté ce qui fait de cette série et par là même de ce titre un jeu unique. Deus Ex est avant tout une ode à la liberté d’approche. Comme précédemment, vous incarnez Adam Jensen, être humain augmenté par des améliorations cybernétiques de dernier cri, ces dernières confère des qualités surhumaines mais doivent être débloquées au fur et à mesure de l’exploration, de l’expérience et des kits de praxis découverts.
Ici ce sera une amélioration aidant la furtivité, là ce sera des améliorations pour le combat, ou diverses améliorations physiques à faire pâlir d’envie un athlète olympique. Aux augmentations déjà connues se rajouteront rapidement certaines augmentations expérimentales, nécessitant pour un temps de bidouiller et de désactiver certaines autres systèmes pour éviter « l’overclocking » et des plantages système. On y gagne encore plus en flexibilité tout en mettant le joueur dos au mur s’il veut utiliser ces améliorations expérimentales. Bien trouvé !
Une fois de plus ce système de gestion du personnage est jouissif au possible, permettant de customiser l’expérience du joueur en fonction de ses goûts, et d’orienter notre super-agent vers une version inaudible et littéralement invisible ou vers une machine à hacher menu ses ennemis de ses lames maintenant optionnellement projectile et/ou explosives, avec toutes les nuances intermédiaires totalement construites sur mesure.Grosse amélioration par rapport au premier opus, les deux approches seront autant possible et chose bien plus importantes, elles sont viables !
Le studio s’est évertué à proposer un gameplay sur mesure, sans donner vraiment préférence à l’un ou l’autre style de jeu. De même, la possibilité qui existait déjà d’utiliser des solutions plus pacifiques que létales (pistolet à seringue hypodermiques, amélioration taser, …) sera envisageable du début à la fin de l’aventure, boss compris. Les amateurs du piratage y trouveront leur compte, tout comme les explorateurs qui pourront profiter des moindres gaines de ventilations, système d’égout ou balcon pour éviter de se retrouver trop à proximité des ennemis.
…bien relevé.
Vous l’avez compris, c’est au niveau du level-design que Deus Ex Mankind Divided brille particulièrement. Le premier opus avait fait fort à ce niveau, ici on passe à un stade supérieur. A chaque challenge une multitude d’approche sera possible. Certaines seront plus évidentes, du fait de l’utilisation des compétences particulières développées pour le personnage par le joueur, mais des alternatives seront toujours possible.
En effet, le titre ne cesse de récompenser l’exploration, la patience, et l’observation et le joueur est sans arrêt poussé à se remettre en question et à trouver des solutions pour progresser.
On naviguera sans cesse entre l’exploration totalement furtive, l’agression discrète, le piratage, et bien entendu le bourrinage, sans oublier la dissimulation des corps dans les cas où l’ennemi est trop supérieur en nombre.
L’IA de l’ennemi a par ailleurs été améliorée et si celui-ci possède encore quelques failles bien connues de pathfinding ou de stupidité latente, il sait mettre à profit les armes de jet, environnement et tactiques d’encerclement pour être efficace.
Le premier opus proposait d’explorer trois « hubs », zones relativement fermées, où les missions proposées étaient accessibles les unes après les autres, sans offrir beaucoup de quêtes annexes. Avec le second opus, Eidos Montréal a réalisé une approche globalement opposée, avec une seule grande zone à explorer librement, la ville de Prague, que l’on peut explorer à pied ou par le biais de transports en commun. A la trame principale se superposera de conséquentes missions secondaires, dont l’écriture et la résolution seront plus proche de véritables histoires parallèles ayant leurs répercussions sur l’histoire principale que les quêtes trop souvent dispensables trouvées dans d’autres jeux. Ici, ces missions n’ont de « secondaires » que le nom, et leurs répercussions sur la trame principale prendront tout leur sens des heures plus tard, de manière subtile ou évidentes.
La sauce a prise
Elément particulièrement appréciable, l’ensemble des approches du joueur, qu’elles soient subtiles ou non, létales ou non, et la résolution des quêtes apporteront leur lot de conséquences souvent significatives sur la trame principale et modifieront subtilement l’issue du jeu. Le joueur aura du coup le sentiment d’avoir contribué par ses actes au vécu de son personnage et des protagonistes rencontrés.
Certains esprits chagrins souligneront que la ville n’est pas très vaste et que le joueur ne pourra en explorer que certains quartiers, mais il faut relever l’incroyable densité de celle-ci, avec ses appartements, ses ruelles et surtout ses voies d’accès « secondaires » que le joueur pourra emprunter. Le tout est intelligemment interconnecté sans jamais se laisser à la facilité. La banque présente dans le jeu dans laquelle le joueur pourra exercer ses talents (ou non) offre rien qu’à elle des possibilités d’approches particulièrement nombreuses et satisfaisantes.
A toutes ces méthodes se rajouteront nombre de dialogues qu’il sera possible d’aborder à la guise du joueur ou encore en se servant de l’augmentation d’analyse du comportement portant à la connaissance du joueur un certain nombre d’éléments de caractère de vos protagonistes afin de choisir les réponses adaptées à ses fins.
On notera aussi le mini-jeu de piratage, bien pensé et quelque part assez agréable, même s’il ne restera pas dans les annales du jeu vidéo. Ces deux derniers éléments, le piratage et surtout l’analyse du comportement auraient pu mériter un peu plus de développement, mais bon, ils font le boulot, et pas trop mal. On constate l’existence d’un mode de jeu « Breach », sorte de jeu parallèle multijoueur où les joueurs doivent virtuellement explorer des serveurs pour y extraire des données, reprenant en gros les éléments de jeu du titre principal.
Si ce dernier amuse quelques minutes, il reste avant tout totalement dispensable et Eidos Montreal aurait été bien inspiré de ne pas céder à la mode des modules multijoueurs, ressemblant à s’y méprendre à un mode free-to-play pour râcler quelques euros au joueur afin d’y récolter quelques bonus et armes via micro-transactions. Heureusement, l’utilisation du mode breach est peu intéressant et inutile et ou de l’environnement des micro-transactions dans l’aventure principale est totalement à côté et doit être considéré comme un « cheat mode » payant. Le tout peut être totalement ignoré, mais ça fait tâche. Je trouve que les ressources employées auraient été mieux employées dans le développement des modules de piratage et de dialogues, mais je m’égare.
Bon appétit !
Un dernier mot sur l’interface et l’artisanat. L’interface fonctionne de manière similaire au premier opus et si l’on sent qu’elle a été pensée console, ce n’a pas été avec les pieds. On apprécie par ailleurs un accès rapide aux armes et aux augmentations par le biais d’un menu contextuel, ce qui adoucit le nivellement par le bas des contrôles de clavier / souris avec les manettes consoles. L’artisanat, quant à lui récompense les explorateurs/collecteurs impulsifs en leur permettant d’améliorer un peu leurs armes ou de fabriquer quelques petits objets bien utiles. C’est léger, bien pensé et peut permettre de débloquer certaines situations.
J’ai pour ma part à la fois lu beaucoup de mal sur ce second opus, tout comme des tests dithyrambiques. En conclure que Deus Ex Mankind Divided est un jeu tout juste moyen serait totalement de mauvaise foi, ce dernier tutoyant vraiment l’excellence au niveau de son gameplay, …tout en étant en recul sur certains points.
Il faut tout d’abord reconnaître la patte artistique d’Eidos Montreal, avec des décors de toute beauté et une ambiance incomparable, même si la musique est un peu moins convaincante que celle du premier titre. D’autre part, on ne peut que constater que le jeu a repris la quintessence de ce qui fait la série une alchimie particulièrement réussie de gameplay. Globalement le jeu s’est enrichi et Eidos Montreal a affirmé sa volonté d’offrir une expérience de jeu tout en nuance en fonction du choix des approches du joueur sans le pénaliser pour les choix qu’il fait. On apprécie aussi l’ouverture des zones à explorer même si celle-ci s’accompagne d’une réduction des environnements rencontrés.
On aurait apprécié que certains autres éléments ne soient pas en deçà du précédent opus, tel que le scénario et l’écriture globale d’un côté trop manichéenne et d’un autre parfois complètement fouillis, sans compter une fin quelque part trop abrupte, laissant trop de choses en suspend.
Au final, le titre est supérieur à son très bon prédécesseur, mais ses défauts ne sont peut-être pas intrinsèques au titre qui reste très bon en tant que tel, mais plus une conséquence dommageable de la politique commerciale qui lui a été superposée.
Cela dit, on se serait passé d’un scénario donnant un sentiment d’inachevé, d’un DLC annoncé à sa sortie, de kits Praxis à acheter en micro-transactions, ainsi que d’un mode Breach totalement dispensable permettant lui aussi d’autres achats. On se souvient de la campagne de précommande désastreuse de l’éditeur ayant occasionné une telle levée de bouclier chez les joueurs qu’il a été procédé à un rétropédalage bien violent. Bref, il ne s’agit pas de juger de la politique (que l’on espère temporaire) d’un éditeur, mais bien des qualités intrinsèques d’un jeu.
A ce titre, Deus Ex Mankind Divided reste vraiment excellent, malgré quelques défauts relatifs à son écriture. Un jeu à ne pas manquer, même pour le réfractaire aux FPS que je suis.
Graphismes / sons : 4/5 (technique) ; 5/5 (artistique)
Interface de combat (FPS) : 4/5
Quelques problèmes de déplacement en vue 3ème personne et de gestion de l’inventaire.
Scénario : 3/5
Jouabilité / fun : 5/5
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