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Tyranny
par Dagon
Pillars of Eternity a marqué le grand retour d’Obsidian dans le monde du RPG, avec un titre tout droit inspiré des classiques du genre, telle que la série Baldur’s Gate, avec une vue de haut, de la gestion d’une équipe de personnages aux talents complémentaires, et un système de combat avec pause.
C’est assez récemment qu’Obsidian a annoncé Tyranny, et sa sortie a pu paraître un peu rapide, mais le projet était dans les cartons depuis de nombreuses années. Tout cela remonte à 2007-2008, alors que Dungeon Siege III était en développement. Le postulat était très simple à l’origine : Que se passerait-il si le mal avait triomphé ? C’était le pitch de deux de leurs projets avortés, puis avec la sortie de Pillars of Eternity, l’opportunité d’utiliser le moteur de jeu créé pour l’occasion afin de développer Tyranny s’est révélée évidente, et le projet a pu voir le jour dans un délai assez court.
Dans Tyranny le monde a été envahi par Kyros, l’Overlord, qui a le pouvoir de promulguer des décrets aux conséquences apocalyptiques si certaines conditions ne sont pas remplies. En tant que Scelleur de destin, il appartient au joueur de promulguer un décret d’annihilation dans une région si les deux armées en place ne parviennent pas à atteindre leurs objectifs dans le délai imparti.
C’est alors que le joueur découvre les forces en présence dont la manière de voir les choses semble tout droit sorti des alignements du vénérable jeu de rôle de table, Dungeons & Dragons. Les Disgraciés, armée surentraînée est visiblement d’alignement loyal mauvaise, sorte de rouleau compresseur à la hiérarchie et au sens de l’honneur exacerbés, cherchent à écraser toute forme de rébéllion par un massacre méthodique. Le Chœur Ecarlate, sorte de guérilla totalement barré et anarchique, ressemble à tout ce que pourrait être le chaotique mauvais, avec la subtilité qui va avec. Ils passent du recrutement forcé, de la promotion via des duels, de la corruption des populations.
Evil is Good !
En tant que Scelleur de destin, le joueur pourra prendre parti pour l’une de ces armées ou faire cavalier seul, l’objectif avoué de départ étant de plaire à l’Overlord afin d’éviter au départ une annihilation, puis de continuer son histoire personnelle au seing d’une hiérarchie complexe dont les bas intérêts personnels passeront toujours devant toute autre considération. Je ne continuerai pas plus avant le descriptif du monde et de son histoire afin de ne pas (trop) spoiler la suite, mais il faut vraiment souligner l’originalité du monde décrit par Obsidian qui s’est surpassé pour l’occasion. On pouvait reprocher à Pillars of Eternity d’être un peu trop traditionnelle dans le monde de fantasy qu’il décrivait, ici l’aspect de gouvernance d’un monde occupé par des forces ténébreuses est traité de manière vraiment passionnante et excellente et s’intègre parfaitement au jeu en y apportant une crédibilité et une profondeur vraiment appréciable.
Cet aspect de profondeur est visible dès la création du personnage qui, après un début relativement simple de choix d’apparence se construit totalement en fonction de questions. Le choix d’un passé (combattant de fosse, noble, mage, diplomate, …) déterminera d’abord les quelques compétences de base qui bénéficieront de bonus, puis des compétences d’armes ou de sorts sur lesquelles le joueur souhaite mettre l’accent pourront être améliorées. Contrairement à d’autres titres dans le genre, Tyranny ne force pas le joueur à se cantonner à un ou l’autre métiers. Ce sera par l’utilisation de compétences ou l’entrainement que le joueur effectuera entre deux montées de niveau que celles-ci seront améliorées et cela révèle une certaine souplesse dans les choix qui seront loin d’être définitifs.
Après les quelques minutes de création, je croyais en avoir fini et c’est là que le joueur se rend compte qu’il n’est pas en présence d’un RPG ordinaire, puisque le jeu est passé en mode « conquête » sur la carte du monde. Et c’est alors qu’il faut effectuer des choix de conquêtes, afin de déterminer comment la région a été annexée à l’Empire, quels ont été les massacres perpétrés par l’armée ou le joueur, comment ont été réglés les obstacles à la conquête. Ce dernier chapitre de la création du personnage sera loin d’être anodin, puisqu’il déterminera une foule de dialogues et d’options possibles dans le corps du jeu et changera totalement l’issue des rencontres et de la perception qu’auront les protagonistes rencontrés. Ce ne sera qu’après cette longue introduction que le joueur retrouvera un titre plus conventionnel, avec de l’exploration de cartes, des dialogues et du combat en temps réel avec pause.
A ce niveau, Pillars of Eternity proposait une extrême complexité de l’évolution du personnage et du système de toucher en fonction de l’armure et de dégâts en fonction du type de protection. Tyranny a fait évoluer le concept tout en l’améliorant par quelques simplifications bienvenues au niveau de la compréhension des compétences, des armes, des armures et de la corrélation toucher / dégâts / protection.
Brouillon, vous avez dit brouillon…
Ce n’est malheureusement pas pour autant que le combat gagnera en clarté. Comme pour Pillars of Eternity, les combats en temps réel souffriront d’un total manque de lisibilité. Il sera toujours possible d’enchaîner les attaques, afin de tenter d’opter pour une tactique, mais en l’absence de « friendly fire » tous les sorts à effet de zones seront utilisés sans trop réfléchir. Au final les combats auront tendance à être gérés de manière instinctive et non étudiée. On notera qu’avec l’impossibilité de contrôler correctement le combat, le rythme rapide mais fouillis tenant compte de délais d’action pour chacun des personnages, le joueur se contentera d’une gestion approximative la plupart du temps. On notera aussi que le jeu ayant un niveau de difficulté très modéré (en standard) seuls les indécrottables des tactiques et de l’optimisation des personnages opteront pour des difficultés vraiment élevées afin d’essayer d’élaborer des tactiques cohérentes (bon courage à eux).
Bref, ce ne sera pas par les combats que le jeu brillera particulièrement. Ils font le boulot sans être extraordinaires, et manquent quelque part de variété. La principale faiblesse du jeu tourne d’ailleurs un peu autour des combats justement. Ceux-ci ne sont pas extraordinaires, et manquent cruellement de variété. Le tout est exacerbé par le concept même du jeu. Je m’explique…
Des aiguillages, …puis des rails !
Les choix effectués en début de partie lors de la phase conquête va établir les relations entre le joueur et les factions en présence. A côté de cela, il sera demandé au joueur dès la fin du premier chapitre de se « ranger » au côté de la faction des Disgraciés ou du Chœur Ecarlate, quitte à les trahir tous les deux et de faire cavalier seul. De ce premier gros choix en jeu va dépendre la TOTALITE de la suite de l’histoire. Autrement dit, l’exploration des cartes va donner lieu à certaines rencontres, et l’issue des dialogues sera préétablie en fonction de ce premier choix. Le joueur qui s’est rangé d’un côté se verra contraint de combattre l’autre faction et de nettoyer toutes les cartes de la présence de l’autre faction. Les quelques options dialogues rencontrés avec la faction opposée se soldera systématiquement par des combats et les options seront plutôt restreintes (« Vous allez mourir » ou « Je vais vous arracher les tripes » avec « *attaquer » comme dernière option).
Inutile d’espérer mieux dans le cadre où le joueur fera cavalier seul (ce qui était mon cas) et qui n’aura pour effet que de se mettre les deux armées principales à dos et de devoir tout massacrer. Fort heureusement certaines des factions locales en présence pourront être approchées afin d’avoir des interactions un peu plus élaborées que le coup d’épée dans la tronche, mais celles-ci seront peu nombreuses, et dépendront avant tout des choix effectués longtemps en amont.
Certains joueurs relèveront que le titre offre une certaine rejouabilité, mais on n’en ressent pas vraiment l’intérêt. Nettoyer une carte d’une faction plutôt qu’une autre ? Le manque d’originalité dans les combats et le manque de véritable changement scénaristique n’encourage pas vraiment à tout recommencer. Au final au lieu de débarrasser une carte de la faction des disgraciés on massacre méthodiquement le Chœur écarlate. Quel intérêt ?En fait, seuls certains points clés en fin de partie auront pour résultat un changement plus ou moins radical dans la conclusion ou plus exactement le résumé présenté en fin de partie.
A côté de cela, certains indices, tels que des talents complémentaires applicables entre certains de vos compagnons, l’histoire de certains d’entre eux laissant présager d’une vraie histoire les concernant et de quêtes individuelles les concernant font penser à des pans entiers du jeu qui auraient été abandonnés en cours de route.
Soyons clair, le jeu ne souffre aucunement d’une absence de finition avec des bugs ou de gros problèmes de jouabilité, mais donne plutôt des indices sur un certain nombre d’idées ou d’options envisagées au départ mais abandonnées en cours de route, sans doute en raison des coûts de développement. Quelque part, Tyranny aurait mérité une certaine densification de certains de ses éléments de gameplay. Plus d’options de dialogues, des quêtes un peu plus élaborées au niveau de leurs embranchements, la possibilité d’infléchir certains choix. Il présente des compagnons à l’histoire intéressante, on s’attend à des quêtes les concernant, et puis plus rien.
On notera même sur l’interface des jauges mettant en avant les relations avec chacune des factions du jeu. A la fois une jauge de faveur et une de colère qui débloqueront certaines compétences au delà de certains niveaux. Curieusement on pourra faire évoluer ces deux jauges simultanément, sans pour autant que les niveaux atteints dans l’un ou l’autre aient d’influence sur les réactions des PNJs. On s’attend à quelque chose avec ces jauges à faire varier, et puis finalement non… Celles-ci ne semblent pas avoir d’effet visible.
Au final, Tyranny est un jeu vraiment atypique et passionnant du fait du monde qu’il dépeint, et des relations entre les factions et les archontes qui dirrigent les armées de Kyros. Dans les faits, on regrette un petit peu que le gameplay qu’il propose au final ne soit pas tout à fait à la hauteur des attentes au vu des premières heures de jeu. Bref, un très bon titre, mais qui aurait été encore meilleur si Obsidian était allé jusqu’au bout de leurs ambitions en évitant d’effectuer des coupes trop importantes lors du développement de leur jeu.
Graphismes et sons : 4/5
Les décors sont corrects, la musique est franchement superbe et bien atmosphérique et très adaptée au ton du jeu. Bon dosage, même si les décors sont en-deçà de Pillars of Eternty.
Interface de combat : 3/5
Du temps réel avec pause, avec ses qualités et ses défauts. C’est toujours aussi brouillon et peu lisible, même si la gestion de personnage est heureusement bien plus claire.
Scénario : 5/5
Obsidian s’est surpassé au niveau de l’histoire en toile de fond et des relations politiques entre les différentes factions. Les dialogues sont bien sentis, même si leur issue reste trop souvent décevante.
Jouabilité (fun) : 4/5
Un excellent titre, mais dont le principal défaut tient au fait que le gameplay se résume trop souvent à nettoyer des cartes via des combats plutôt répétitifs. C’est moins traditionnel et plus original que Pillars of Eternity, certains points ont été améliorés, mais l’ensemble reste vaguement décevant en raison des filons non exploités.
Tyranny / Obsidian / Paradox Interactive / 2016
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